Les Etats Généraux du Cinéma

Le 16 mai 1968, les élèves de l’IDHEC se mettent en grève et décident l’occupation de l’Ecole.
Le lendemain, a lieu, rue de Vaugirard, la constitution des Etats Généraux du Cinéma Français, qui décident du principe de la grève illimitée de la production cinématographique. Le 20 mai, les Etats Généraux créent une commission de dérogation à la grève « permettant le tournage de films concernant les mouvements étudiants et ouvriers ou les négociations sur le Vietnam ».
Dans le même temps, les élèves de l’IDHEC en grève se constituent en association, pour pouvoir « juridiquement » utiliser le matériel de tournage de l’Ecole (caméras 16, matériel son). Les projets de film devront être soumis à l’approbation préalable de l’Assemblée Générale des élèves.
Quelques projets sont acceptés, l’un d’Azimi, sur l’occupation de la Sorbonne, l’autre de Jacques Willemont, sur les différentes organisations politiques faisant partie du « Mouvement ».
Il est convenu de commencer ce dernier tournage par l’OCI (Organisation Communiste Internationaliste), en choisissant pour des raisons matérielles : pénurie d’essence des usines proches de la Portes des Ternes où se trouvent les locaux de l’Ecole. Un premier tournage a lieu à la SIDI à Levallois.
L’OCI propose alors de venir filmer un meeting, le 10 juin, à l’usine Wonder de Saint-Ouen. L’équipe de tournage arrive sur place au moment où la reprise du travail vient d’être votée et décide de filmer. Pierre Bonneau est à la caméra ; Jacques Willemont tient le micro, Liane Estiez, le Nagra ; Maurice Portiche est présent en tant qu’assistant.

L’équipe n’a qu’une boîte de pellicule et tourne en continu un plan séquence d’une dizaine de minutes. La bobine développée est projetée en Assemblée Générale ; il est décidé de la diffuser d’une manière autonome, sans attendre une hypothétique - vu la conjoncture mi-juin éventuelle réalisation du projet global initialement prévu.

Le film « Wonder » est salué, dès ses premières projections, comme un événement majeur. Présenté au Festival d’Hyères, l’été 68, il est aussitôt distribué sous des formes militantes, par des collectifs, tels Cinélutte. En 1970, il constitue le complément de programme du film de Marin Karmitz, Camarades.
Sa diffusion, sous forme d’extraits, dans les séries « anniversaires », Histoire de Mai de Pierre-André Boutang et André Frossard (1978), Mai 68, quinze ans après de Jean Labib (1983), Génération de Daniel Edinger, Hervé Hamon et Patrick Rotman (1988), consacre son rang de film culte, dans le « stock » des images de 68. 

Source: Dossier de Presse du Film "Reprise" d'Hervé Leroux (2018)

Photo: ©Henri-Glaeser- collection Marin Karmitz