Au poste ! (Die Wache) Quentin Dupieux Benoît Poelvoorde

BE/FR-2018, 73 Min

Regie und Kamera
Quentin Dupieux

mit
Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize, Anaïs Demoustier, Philippe Duquesne, Jacky Lambert


Verleih
Moviemento Kino GmbH

  • Français
  • Deutsch

Un poste de police.
Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.

ENTRETIEN AVEC QUENTIN DUPIEUX

AU POSTE! semble être un film sur la banalité, le quotidien. Ce commissariat dépeuplé, la nuit, dégage aussi un imaginaire très français. C’est d’ailleurs aussi votre premier vrai film français.

Le quotidien, l’anodin, c’est un peu la note que je cherchais, et il y avait à l’origine du projet une grosse envie de France, effectivement. J’ai pu expérimenter des choses très intéressantes dans les quatre films que j’ai tournés aux États-Unis, mais quand j’ai dirigé Alain Chabat et Jonathan Lambert en français dans RÉALITÉ, je me suis rendu compte que j’étais bien plus à ma place pour maîtriser le langage et construire des personnages en profondeur. Je me suis senti plus efficace, plus capable, par le simple fait de parler dans ma langue et par la culture commune que je partage avec Chabat et Lambert. Mes films américains se sont faits un peu au détriment de ma plume. Creuser dans une langue que je comprends parfaitement, comme je le fais avec AU POSTE !, me permet d’avoir une palette plus étendue. C’est un peu comme si je découvrais les couleurs.

Vos deux comédiens principaux, Grégoire Ludig et Benoît Poelvoorde, ont un jeu plutôt sobre. Même quand Grégoire Ludig regarde la main sortir du casier, son regard n’est pas hystérique, c’est presque nonchalant.

Ça, c’est une autre note du film. Je voulais que Grégoire Ludig incarne une sorte de Monsieur Tout-le-monde. Je l’avais vu dans un film de Marion Vernoux, ET TA SŒUR, et j’avais été saisi par sa capacité à être réel. Il est très généreux, d’autant plus que dans AU POSTE!, il n’a pas forcément le rôle le plus excitant, celui qui a la bonne vanne au bon moment. Je voulais éviter de tomber dans l’empilage de sketchs. Avec Benoît comme avec Grégoire, dès que ça sonnait trop écrit, que ça semblait de la blague pour la blague, on enlevait des choses, on rendait ça plus quotidien, normal. La gamme de Benoît est phénoménale. Il est souvent employé pour la partie haute de cette gamme, quand il joue son personnage un peu gueulard. Mais il sait faire une infinité de choses.

Votre film fait penser aux années 70, à travers les tons beiges, le choix des lieux, le genre du film aussi...

Le film n’est pas un pastiche, ce n’est pas une relecture des seventies. C’est un magma de tout un tas de choses. Je cherche toujours à faire un objet qui soit un monde total. La direction artistique et les décors de ma femme Joan y sont également pour beaucoup ; tous ces choix visuels qui donnent au final ce look au film se font à deux.

Quelle était l’idée de départ du récit?

J’avais une grosse envie de filmer du dialogue, de faire un film à texte, sans doute parce que j’étais légèrement frustré par mes films américains de ce point de vue-là. Or c’est de là que je viens, depuis mes courts-métrages et STEAK. Les personnages bavardent beaucoup dans mes films!

Vos films américains sont davantage dans une sorte de plasticité presque un peu cartoon, alors qu’AU POSTE! est un vrai film à texte.

C’est là où la banalité m’intéresse. C’est lié au réalisme, mais aussi au fait de redonner du corps à mes personnages à travers le texte. On remodelait le film en changeant une virgule ou en ajoutant trois lignes. Sur mes films américains, il y avait moins de nuances. Quand un comédien n’arrivait pas à donner ce que je voulais, c’était très compliqué de réécrire rapidement. AU POSTE! s’est fait dans une réécriture permanente. Trois mots en plus ou en moins changeaient toute la scène. J’ai eu envie que les personnages soient plus incarnés, humains, réels, avec des traits de caractère. Je pense que je viens d’ouvrir une nouvelle période de mon cinéma. Je la vois se dessiner.

La blague entre «aller-retour» plutôt que «va-et- vient», c’est une chose qu’on ne peut imaginer que lorsqu’on a une parfaite connaissance de la langue française. Et c’est la même chose sur le sentiment du quotidien que dégagent ces moments où la femme de Grégoire Ludig s’endort à ses côtés, où la voisine ouvre la porte, où il fait semblant de fumer parce qu’il est seul.

Oui, je crois que c’est inédit chez moi et ça va avec mon retour en France. Je vais forcément me mettre à parler de trucs que je connais. On n’est plus uniquement dans le fantasmagorique, où un mec mort peut revenir trois scènes plus tard. Dès que je commence à tourner en rond, très naturellement, sans même y penser, j’ai toujours envie d’injecter de nouveaux éléments. Sinon, je m’ennuie. Pendant longtemps, je m’amusais à rajouter à chaque nouveau film, un élément supplémentaire de la grammaire cinématographique. Aujourd’hui, je viens tout simplement d’injecter encore un nouvel élément : le personnage.

C’est aussi votre premier film nocturne.

J’ai longtemps été à l’aise à l’extérieur, avec ce grand ciel bleu de Californie et cette lumière pour laquelle j’avais une vraie fascination. J’ai eu envie de faire l’inverse. Et c’était un bonheur total de tout penser autrement.

Vous saisissez bien cette sensation de la nuit. C’est une nuit de bars encore ouverts mais quasi vides, des commissariats où la nuit semble tout figer dans le temps. En même temps, vu que votre cinéma est quand même lié à la rêverie, ça paraît presque logique que vous vous confrontiez à la nuit.

Oui, il reste quelque chose du rêve, ça plane encore. Mais le but, c’est aussi d’être un peu moins seul dans mon monde de rêves. En travaillant davantage les personnages, en racontant un truc un peu plus ancré, je crois qu’on peut emmener les gens un peu plus loin. Quand on part du postulat d’un pneu qui roule tout seul comme dans RUBBER, le truc dingue est déjà posé. Après, il n’y a plus qu’à dérouler l’idée. Le poumon qui fume de Benoît, c’est un gag intégré à la réalité même, non à un truc entièrement loufoque.

Vous réussissez à inventer de nouvelles figures à partir d’acteurs qu’on a vus dans plein de films. On n’a jamais vu Anaïs Demoustier comme ça par exemple, pour des questions capillaires, bien sûr, mais aussi pour son jeu.

Le conditionnement se fait beaucoup par le scénario. Il contient toujours quelque chose qui permet au comédien de se projeter dans un ailleurs. C’est ce qu’ils viennent chercher chez moi, je crois et c’est ainsi que je les accueille. Anaïs, je l’avais vue dans un film d’Emmanuel Mouret, CAPRICE, et je l’ai trouvée formidable. Au départ, je projetais quelque chose de très réaliste dans son personnage et puis, au fil d’une discussion au café avec elle, je lui ai dit qu’elle était comme Zézette dans LE PÈRE NOËL EST UNE ORDURE, en imaginant quelque chose d’un peu inconséquent : elle ouvre la porte, elle dit une connerie et elle ferme la porte.

Il n’y a jamais de moquerie ou de mépris envers les personnages. Vous parvenez à leur trouver une poétique propre.

Je pense que c’est lié au fait que j’ai des envies de cinéma. Je me dis qu’un film doit faire un peu rêver, esthétiquement, émotionnellement. Ici, le décor fait rêver. Cette nuit, elle fait rêver. Et les personnages doivent aussi faire un peu rêver. Benoît, avec ce vieux holster, me fait un peu rêver, mais de manière douce, sans que ce soit trop voyant ou démonstratif.

La moustache ou cette coupe de cheveux, c’est aussi un vrai plaisir pour les comédiens.

Absolument. Ce n’est pas un déguisement, c’est une envie de fabriquer quelque chose de singulier. J’ai envie que ces personnages existent en vrai. Et c’est la même chose pour les décors ou l’esthétique, de manière plus générale. Ici, tout compte, les meubles, les décors, les acteurs, alors que la comédie est souvent juste un lieu pour faire rire, mais de moins en moins pour faire réellement du cinéma. Sur un film comme TOOTSIE de Sidney Pollack, la direction artistique est dingue. C’est ça qui fait que je vibre : je suis dans un film.

Et puis, il y a l’alchimie entre les comédiens.

Oui, il se passe vraiment quelque chose quand tous sont heureux d’être là. On le sent immédiatement quand ils ne sont pas heureux d’être ensemble. Alors on cache la misère avec du découpage, de la musique, mais au final, on a le sentiment bizarre de voir un truc faux car les gens ne s’aiment pas. Tant que je n’étais pas sûr que ça marche entre Grégoire et Benoît, je frôlais l’échec en permanence car aucun artifice n’aurait pu récupérer ça. Ils sont trop souvent ensemble. Mais tout s’est passé merveilleusement bien. Quand les acteurs sont heureux de travailler ensemble, cette sensation parvient au spectateur. C’est d’autant plus important dans un film où l’on reste un bon moment avec deux comédiens dans une seule pièce, dans un film doté d’une formule un peu bizarre : une courte durée pour un long-métrage mais un rythme finalement assez lent.

Vous faites de longues répétitions avec les comédiens avant le tournage ?

Non. On a répété un peu le samedi avant le tournage, dans le décor, pour que les acteurs se rencontrent et s’approprient les lieux. En fait, nous avons trouvé la note le premier jour de tournage. On creusait les choses ensemble. L’erreur serait de robotiser des acteurs aussi puissants que Benoît et Grégoire, en leur demandant de respecter le texte à la virgule.

Il y a peu de musique contrairement à vos autres films, en tout cas, elle se fait plus discrète. Et puis à la fin, il y a ce morceau orchestral presque un peu atone. C’est la première fois qu’il y a si peu de musique et surtout pas de musique électro.

La musique du film, ce sont les voix, les dialogues. Ça aurait été un contresens de rajouter de la musique en fond. L’idée pour le morceau de fin, c’était de faire une musique française à la François de Roubaix. J’avais fait une liste d’instruments que je souhaitais faire entendre à David, le compositeur de la musique.

On n’a d’ailleurs pas l’impression que les sons du commissariat soient très présents. Ils semblent présents et absents à la fois.

On avait ajouté plein de sons de portes qui claquent, de téléphones qui sonnent, mais en fait, ils annulaient le film. On a alors retiré des choses, baissé d’autres. Ce relatif vide sonore auquel on a abouti faisait peur à plein de gens. Mais j’ai tenu bon. Il fallait que tout soit feutré.

La moindre des choses, quand on fait un film avec quelques personnages qui se parlent dans un même lieu, c’est que ce soit confortable. Si c’est anxiogène et moche, si la lumière est crue, alors c’est comme une prise d’otages pour les spectateurs.

ENTRETIEN AVEC BENOÎT POELVOORDE

Connaissiez-vous le travail de Quentin Dupieux avant qu’il vous propose AU POSTE !?

Non, je n’avais vu que RUBBER, sans savoir que c’était de lui. En revanche, on s’était croisé chez un ami commun quand il était plus jeune mais on ne s’était jamais revu. J’ai tout de suite aimé le scénario que j’ai lu en étant constamment plié de rire. C’est un des scénarios les plus drôles et mieux écrits que j’ai pu lire. On est allé boire un verre et j’ai tout de suite compris que j’avais affaire à quelqu’un de très singulier. On était censé se voir une heure pour faire connaissance, se renifler le derrière, et finalement on a passé toute la soirée ensemble. J’étais venu avec une tête de cheval en plastique que j’avais trouvée dans un magasin de farces et attrapes. On s’est beaucoup amusé!

C’est important pour vous de bien vous entendre avec un réalisateur?

Pas nécessairement de bien s’entendre, mais au moins de savoir pourquoi on est là. En vieillissant, j’ai besoin de savoir ce que le réalisateur a en tête. Quentin sait exactement ce qu’il veut. Il est impressionnant de précision. Il travaille d’ailleurs sans combo (soit l’écran de contrôle aujourd’hui utilisé sur presque tous les tournages), sans perdre une seconde, sans personne d’inutile sur le plateau. Il fait lui-même la lumière et le cadre, si bien que contrairement aux autres tournages, je n’ai quasiment jamais attendu entre les prises! On n’a fait que travailler, travailler, ce qui m’a beaucoup plu.

Comment aviez-vous envisagé le personnage?

Je ne prépare jamais les personnages. Si j’aime un projet, je viens complètement vierge, je suis très malléable. Avec Quentin, on n’a d’ailleurs jamais parlé du personnage. Ce n’est pas son genre. Rien de ce qu’il fait ne s’apparente à la façon tradi- tionnelle de faire du cinéma. On a simplement fait une lecture un après-midi avant le tournage avec Grégoire Ludig et Marc Fraize, de manière à poser les bases. Par contre, il exige de connaître son texte par cœur, ainsi que le texte de son partenaire, et ce, dès la répétition! C’est important car les dialo- gues fonctionnent sur du tac au tac, ça doit frotter constamment. Et puis, il y avait toujours le risque de faire certaines scènes en un seul plan, avec l’impos- sibilité de rattraper quoi que ce soit au montage si ça ne marchait pas. Donc on doit tout connaître sur le bout des doigts. Parfois, il y avait plus de dix pages de dialogues à apprendre. C’était au fond un peu comme au théâtre, alors que sur un film, générale- ment on peut dire une réplique, couper, reprendre, etc. Quentin déteste le cinéma où on découpe, où on fait un raccord dans l’axe, un plan serré, etc.

Votre jeu est dans une sorte d’entre-deux étrange, ni haut en couleur comme dans certains films, ni taciturne ou dépressif comme dans d’autres, mais au milieu du gué.

Cela me fait plaisir d’entendre ça ! Quentin m’a permis d’éviter que je me repose sur mes acquis. Il le fait parfois de manière un peu sèche d’ailleurs, il est direct, frontal ! Je suis orgueilleux comme tous les acteurs, et le premier jour, j’étais un peu déstabi- lisé. Mais nous avons fini par trouver nos marques. Pour rire, je lui disais : «j’espère que ça vaut la peine de s’enfermer pendant un mois dans la maison des communistes ». Visiblement, ça en valait la peine ! En tout cas, Quentin était très attentif à la mélodie des voix. Il y a un son qu’il voulait entendre et il m’a poussé à le trouver, en retranchant mes petites scories d’acteur. Il a souvent d’excellentes indications de jeu. La première séquence au téléphone, on l’a faite deux jours de suite, dès le début du tournage, car on ne trouvait pas tout à fait le bon ton.

Il y a quelque chose qui a changé sur ce film dans votre manière d’appréhender le jeu ?

Je ne sais pas, mais en tout cas, j’y ai pris beaucoup de plaisir. Mais je crois qu’il ne faut pas commencer sa carrière avec un film de Quentin, car ensuite les autres tournages paraissent d’une len- teur et d’un gaspillage d’énergie incommensurables. Chez lui, toute l’énergie est concentrée sur le travail, c’est très enrichissant. Il est arrivé, par exemple, qu’on refasse une prise une trentaine de fois. Il faut être très résistant. Du matin au soir, on passait de Dupieux au pieu! Mais avec cette méthode, à la fin, on fait corps avec son personnage. En tant que comé- dien, on se débarrasse de tous les trucs sécurisants. Il nous demande de ne pas nous planquer derrière des vieux trucs d’acteur.

Comme quoi par exemple ?

Si par exemple on connaît mal son texte, on va prendre des temps qui ne servent à rien, ou alors on va forcer sur certains mots parce qu’on sait que ça rendra bien. Il perçoit tout de suite ces choses-là. Mais ça ne l’empêche pas d’être détendu. C’est quand même le seul réalisateur que je connaisse qui est venu sur le plateau avec son chien! Moi aussi je viens avec mon chien, mais un réalisateur norma- lement n’a pas le temps de s’occuper de son chien!

C’était compliqué de jouer ce ton comique qui n’est pas tout à fait comique, mais qui doit quand même faire rire ?

Ce n’était pas simple, en effet! Et comme on n’avait pas de combo, on ne savait pas toujours si ça allait marcher, une fois le film monté. Il n’y avait pas de scripte non plus, qui aurait pu nous dire ce qu’on avait tourné ou pas. Il y avait juste une jeune fille qui nous soufflait et nous faisait répéter le texte. Parfois, je ne savais plus si on avait vu telle partie ou pas, d’autant plus qu’à certains moments du film, on redit la même chose trois ou quatre fois, mais différemment. Et puis, on ne tournait jamais dans l’ordre. Mais c’était très excitant, ça nous obligeait à être constamment dans une mécanique de jeu.

Vous connaissiez Grégoire Ludig, votre partenaire ?

Non, je ne l’avais jamais rencontré. C’est un comédien extraordinaire. La grande force de Quentin, c’est qu’il sait très bien s’entourer. Je crois qu’il faut vraiment être très bon acteur pour jouer avec Dupieux. On peut très vite perdre pied si on n’a pas les épaules solides. Je me souviens d’une scène où il y avait plusieurs figurants. Au fil des prises, on en voyait de moins en moins! Il les virait un à un, alors qu’ils ne parlaient même pas ! Mais visiblement, ils n’étaient pas assez bons. Il pouvait nous faire tenir sur quatre minutes sans couper dans un dialogue avec un autre acteur. Il faut avoir un peu de bouteille pour tenir la distance, surtout si on n’a jamais fait de théâtre, ce qui est mon cas.

Vous et Grégoire Ludig vous êtes vite apprivoisés?

Oui, on s’est entendu tout de suite. Il est très rieur et je le suis aussi. C’est bien simple, on riait tout le temps. On avait tous les deux à cœur d’être généreux avec l’autre. Et puis, jouer devant un type qui a une moustache pareille, ça aide! On riait tous les jours de cette moustache qu’il assumait avec panache.

ENTRETIEN AVEC GRÉGOIRE LUDIG

Comment avez-vous rencontré Quentin Dupieux?

Quentin m’a envoyé un message directement sur Twitter. C’était une prise de contact directe. Je trouve pas mal que les réseaux sociaux puissent aussi servir à ça. C’est un peu à l’image de Quentin, il va droit au but! Puis on s’est vu, on s’est plu, et j’ai lu le scénario qui m’a épaté. Tout s’est passé assez simplement. Je n’étais pas un grand connaisseur de son cinéma ou de sa musique mais j’avais vu RÉALITÉ et STEAK. Du coup, je ne suis pas arrivé avec des idées préconçues ou des automatismes censés le séduire. Quentin prend des acteurs qu’il aime et qui font sens avec les personnages qu’il écrit. La simplicité de Fugain, mon personnage, il l’a vue dans le rôle de Pierrick que j’ai joué dans ET TA SŒUR de Marion Vernoux. J’étais capable d’être normal et pas seulement de faire l’idiot avec une moustache. Je joue donc un mec normal, mais avec une moustache!

On a justement beaucoup parlé de normalité et de quotidien avec Quentin Dupieux à propos de AU POSTE!...

Il fallait être un peu l’œil du spectateur. L’idée était de jouer ce personnage de façon normale, sans jamais être dans le surjeu. En tout cas, c’est la direction que m’a donnée Quentin. J’aimais bien, à la lecture, le fait que les personnages soient tous hyper bien dessinés mais que finalement on ne sache pas grand-chose d’eux, qu’ils restent un peu flous. Fugain regarde des émissions avec des chevaux, sa femme dort à ses côtés, mais tout reste un peu mystérieux. Pour autant, on ne se pose pas trop de questions, ce ne sont pas des excentriques, on les suit dans leur normalité. C’est ce qui me plaisait : faire une comédie avec un mec normal.

Cette dimension était-elle déjà perceptible au scénario ?

Oui. Ce qui était drôle dans le scénario, c’est ce décalage entre un mec qui va être interrogé dans une affaire criminelle et qui a l’air moins préoc- cupé par le fait d’être possiblement suspect que par la fermeture des restaurants, vu qu’il a très faim! Et en même temps, il est sous l’autorité de la police, alors il ne l’ouvre pas trop. Mais le personnage est tellement sympa et arrangeant que de toute façon, il ne penserait pas vraiment à l’ouvrir. Il est un peu naïf. Quand il fait remarquer au personnage joué par Benoît Poelvoorde que de la fumée sort de son ventre, la réponse du commissaire suffit à lui faire accepter cette étrangeté.

Dans le Palmashow, vous croquez les person- nages en poussant un peu le curseur vers l’excès, la caricature. Là, on a le sentiment qu’il fallait au contraire baisser ce curseur.

Oui, il fallait apporter du « rien », tout en habitant le personnage. Si on ne l’habite pas, il y a un risque que le spectateur s’ennuie rapidement. Et il était très important que mon personnage reste sympa. Après tout, c’est un Monsieur tout-le-monde, on doit être de son côté quand il essaie de cacher le corps ou quand il ment. Il est un peu comme Ned Flanders dans Les Simpson, le voisin sympa, qui a une moustache aussi d’ailleurs, avec le même côté flegmatique, un peu à l’anglaise.

À la lecture du scénario, aviez-vous des références de personnages ou d’acteurs en tête?

Non, j’étais tellement plongé dans l’histoire que je me suis surtout imaginé ces deux gars. Le scénario est tellement éloigné de tout ce que le cinéma peut proposer que j’avais le sentiment d’être face à une sorte de pépite, un ovni. Avec Quentin, on a un peu cherché le personnage. Quentin m’a dit : «tu es un peu Magnum, tu as une chemise ouverte, t’es un peu sympa, un peu gentil, un peu profiteur aussi mais pas complètement non plus, tu es un vieux gars sympa, le voisin de palier qui peut oublier d’éteindre le gaz mais involontairement ». En tout cas je ne voulais pas qu’il fasse de blagues, ni le rendre drôle de façon artificielle. D’ailleurs, il tente une fois de faire une blague mais ça ne marche pas.

A-t-il été facile pour vous de trouver le personnage ?

Oui, c’est allé plutôt vite. On a fait une répétition avant, une petite matinée de rodage. Le rythme des répliques était très important. Il fal- lait que le rythme soit un peu soutenu, même si l’atmosphère reste un peu apathique. Tout a roulé assez vite. J’avais quand même des Rolls face à moi : Benoît Poelvoorde, Marc Fraize, Philippe Duquesne. On était content de se retrouver le matin, on était bien ensemble, même s’il n’y avait pas de fenêtre ni de lumière. Et Quentin laisse libre cours aux acteurs et à la comédie. C’est quand même agréable de ne pas être coupé au bout de vingt secondes pour faire un autre plan.

Y a-t-il eu quelques moments d’improvisation ?

Non, très peu, peut-être un ou deux mots ajoutés mais Quentin connaît tellement la musique de ses phrases qu’il n’y a rien besoin d’ajouter. Il n’est pas musicien pour rien. Il a toujours été direct mais bienveillant, sans jamais être arrogant ou préten- tieux. C’est simplement quelqu’un qui sait exacte- ment ce qu’il veut.

C’est la première fois que vous travailliez avec Benoît Poelvoorde ?

Non, je l’avais croisé sur LES ÉMOTIFS ANONYMES de Jean-Pierre Améris. À mon grand étonnement, il s’est souvenu de moi. On s’est mer- veilleusement bien entendu. Je suis fan de tout ce qu’il a fait, en particulier de C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS et MONSIEUR MANATANE.

Il y a un vrai goût pour les duos chez Quentin Dupieux. Vous-même fonctionnez sur un duo dans le Palmashow. On imagine bien que c’était un bonheur de former ce duo avec Benoît Poelvoorde, qui partage comme vous cette double culture cinématographique et télévisuelle.

Oui, ce qui me plaît dans les duos, c’est l’ef- fet ping-pong. Je fais ce métier pour partager ce que je joue, ce que je vis. Sur le Palmashow, l’osmose que nous avons David Marsais et moi ne s’explique pas. Face à Benoît, c’est encore autre chose. Je voyais son œil qui pétillait et qui semblait me dire «je serai à l’écoute, je vais te balancer une petite vanne pour

que tu rebondisses encore mieux». C’est magnifique de jouer dans ces conditions. On sent que personne ne va tirer la couverture à l’autre. C’est l’essence même des duos. On sait que l’autre ne va pas nous emmerder, que ça va être «zen». Parfois, ça tient à rien. Par exemple, quand Benoît doit sentir l’odeur de chair brûlée sur le briquet, il a eu un mouvement de recul et a eu cette sorte d’onomatopée inattendue « Ouuuuuuuu !!! ». Comme je ne m’attendais pas à une telle réaction, j’ai éclaté de rire. Que ça me fasse rire, ça a détendu Benoît. Ça a été déclencheur d’une bonne humeur et d’une grande sérénité entre nous.

Vous pensez que pour qu’un film comique soit réussi, il faut aussi que les acteurs s’amusent?

Je crois, oui. Quand on s’amuse pour de vrai, qu’on ne fait pas de « private joke » et qu’on n’essaie pas d’être drôle, ça se voit à l’image. On peut aimer ou pas, mais on ressent quand les acteurs ont pris du plaisir à faire ça.

Il faut une sincérité du comique.

Oui, exactement. Ce qu’on retrouve jusque dans le personnage que joue Benoît d’ailleurs. Quant à Fugain, je l’ai aussi abordé avec beaucoup de sincérité, sans aucun surplomb. La force du per- sonnage de Fugain, c’est qu’il y croit jusqu’au bout. À la fin, quand on lui annonce qu’il jouait en fait dans une pièce de théâtre, il est hyper content. Moi, je serais parti immédiatement en les traitant de grands malades! Mais pas Fugain. Sa grande qua- lité, c’est son premier degré. C’est « moustache man », ce n’est pas un guerrier, il ne râle jamais.

Jouer avec une moustache influe-t-il sur le jeu?

Oui, complètement. Une moustache raconte tellement un homme. Elle est bien fournie, on dirait une fausse, le genre qu’on pose avec un velcro. Mais en fait non, c’est une vraie moustache, avec laquelle j’ai vécu pendant deux mois, au grand plai- sir de ma copine! Ça aide parce qu’une moustache, c’est comme un chapeau, un costume, ça donne une autre contenance. Tous les matins, au maquillage, je voyais cette gueule dans le miroir, les cheveux en arrière et la moustache au-dessus des lèvres. Ça suf- fisait à poser le personnage, inutile d’en rajouter des tonnes. Un regard, un clignement d’œil, avec ou sans moustache, ça change tout! C’était assez cool d’avoir une moustache en fait. Dans les sketchs avec David Marsais on se fait souvent une moustache, mais pour de faux. Une fois le sketch terminé, on l’enlève. Là, je vivais dans le corps de Fugain en permanence.

Ce qui est très réussi dans le film, c’est qu’il pourrait n’être qu’un objet un peu décalé et absurde, mais il est plus que ça, on est vraiment dans du cinéma poétique, dans une rêverie. Est-ce que vous le sentiez pendant le tournage?

Oui. Rien que le fait d’être plongé dans ce commissariat imaginé, pendant trois semaines, on avait l’impression d’être sur une autre planète, sans compter les rêves dans les rêves, les illustrations, les flashbacks qui n’en sont pas vraiment. Et puis, il y a aussi ce que raconte le film. Ce sont des personnages qui doivent faire avec le temps. Le personnage de Poelvoorde passera le temps qu’il faudra pour résoudre son enquête. Fugain, lui, attend. On est dans une temporalité qui flotte. On ne sait jamais vraiment où on est. À Paris? Ailleurs? En 2018? En 1980? Il y a un flou volontaire que j’aime bien et qui m’a forcément influencé dans le jeu.

Propos recueillis par Jean-Sébastien Chauvin

Auf der Polizeistation zu später Stunde: Hauptkommissar Buron befindet sich mitten in einem Verhör mit Fugain, den er eines Mordes verdächtigt. Während Buron die Befragung unbedingt zu Ende führen möchte, zeigt sich Fugain wenig amüsiert – er ist hungrig und hat keine Lust, die Nacht im Polizeirevier zu verbringen. Doch der Kommissar lässt nicht locker und fordert von Fugain eine Erklärung, wieso dieser in der Tatnacht ganze sieben Mal seine Wohnung verlassen hat. Als Buron kurz das Büro verlässt, bittet er seinen tollpatschigen Kollegen Philippe, ein Auge auf den Verdächtigen zu werfen – doch dann überschlagen sich die Ereignisse.

Dass AU POSTE ! trotz nur weniger Szenenwechsel beste Unterhaltung bietet, ist vor allem dem brillanten Tête-à-Tête zwischen Kommissar Buron und Fugain geschuldet. Während Benoît Poelvoorde den hemdsärmeligen Ermittler mit fragwürdigen Methoden gibt, mimt Gregoire Ludig den entgeisterten Tatverdächtigen, der dem Kommissar eine abstruse Story nach der anderen auftischt. Immer wieder werden zudem herrlich absurde Szenen eingestreut: Highlights sind zum Beispiel, als Buron sich eine Zigarette anzündet und der Rauch aus einem Loch in seiner Brust steigt, oder als Fugain eine Auster mitsamt der Schale isst.

AU POSTE ! besticht während seiner 73 Minuten mit schwarzem Humor und schrägen Figuren, die für ein kurzweiliges und höchst amüsantes Kinoerlebnis sorgen dürften.

Das neueste Meisterwerk AU POSTE ! von Quentin Dupieux ist ein groteskes Kammerspiel, welches vom hervorragenden Schauspiel von Benoît Poelvoorde und Grégoire Ludig getragen wird.

Vom Regisseur von LE DAIM (Monsieur Killerstyle)

Pressespiegel

  • Der Kino-Surrealismus ist zurück! Das Verhörkammerspiel AU POSTE ! ist das jüngste Beispiel einer Strömung, deren Verfremdungseffekte an Buñuel und Ferreri anschließen.

  • Quentin Dupieux' Film ist höherer Unfug und nicht blöd gemacht: ein Erzähllabyrinth über einen Krimi, der gar keiner ist.

Interview mit Quentin Dupieux

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    AU POSTE ! scheint ein Film über die Banalität des Alltags zu sein. Diese entvölkerte Polizeistation, nachts, strahlt eine sehr französische Fantasie aus. Es ist auch Ihr erster echter französischer Film.

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    Der Alltag, das Triviale, ist ein wenig wie die Note, die ich gesucht habe und am Anfang des Projekts stand ein eine starke Affinität zu Frankreich, in der Tat. Ich konnte bei allen vier Filmen, die ich in den Staaten gedreht habe viel experimentieren, aber als ich Alain Chabat und Jonathan Lambert in REALITY auf Französisch inszenierte, wurde mir klar, dass ich viel mehr in der Lage war, die Sprache zu meistern und dadurch den Figuren Tiefe zu geben. Ich fühlte mich effizienter und fähiger, allein durch die gemeinsame Sprache und Kultur, die ich mit Chabat und Lambert teilte. In meinen amerikanischen Filmen war ich nicht ganz in meinem Element. Mich einer Sprache bedienen zu können, die ich perfekt beherrsche, wie ich es bei AU POSTE ! tue, eröffnet mir eine viel größere Bandbreite. Es ist ein bisschen so, als könne ich zum ersten Mal Farben sehen.

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    Ihre beiden Hauptdarsteller, Grégoire Ludig und Benoît Poelvoorde bieten eine sehr nüchterne Performance dar. Selbst als Ludig die Hand aus dem Schrank ragen sieht, ist er nicht hysterisch, das wirkt ziemlich nonchalant.

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    Das ist eine weitere Note des Films. Ich wollte, dass Grégore Ludig eine Art „Jedermann“ darstellt. Ich hatte ihn zuvor in einem Film von Marion Vernoux, ET TA SOEUR?, gesehen, und war von seiner Fähigkeit, so authentisch zu sein, sehr beeindruckt. Er ist sehr freigiebig, obwohl er in AU POSTE !nicht unbedingt eine der spannendsten Rollen hat, findet er immer das richtige Ventil im richtigen Moment. Ich wollte nicht von einem Sketch-Feuerwerk überrumpelt werden. Mit Benoît genauso wie mit Grégoire, haben wir, wenn es zu geschrieben klang, Witz auf Witz, reduziert, um den Text alltäglicher und realer zu machen. Benoîts Vielseitigkeit ist phänomenal. Er kann sich an seiner schier unendlichen Palette immer wieder bedienen und stets etwas Neues anbieten, besonders, wenn er seinen Figuren einen schrillen Zug verleiht.

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    Ihr Film erinnert stark an die 70er Jahre, durch die Beige-Töne, die Verortung und auch durch das Genre...

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    Der Film ist kein Pastiche, keine Reminiszenz an die 70er Jahre. Es ist eine Mischung vieler verschiedener Elemente. Ich versuche immer, ein Sujet zu finden, dass eine komplette Welt erzählen kann. Das Produktionsdesign und die Sets meiner Frau Joan sind gleich wichtig, all diese künstlerischen Entscheidungen, die dem Film den finalen Look geben, werden von zwei Personen getroffen.

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    Wie sind Sie auf die Idee gekommen, diesen Film zu machen?

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    Ich hatte ein großes Verlangen danach, einen Dialog zu inszenieren, einen Textfilm zu machen, wahrscheinlich, weil ich von meinen amerikanischen Filmen in dieser Hinsicht etwas frustriert war. Aber da komme ich her, seit meinen Kurzfilmen und auch STEAK. Die Figuren in meinen Filmen quatschen immer viel!

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    Ihre amerikanischen Filme sind tatsächlich eher überzeichnet, fast cartoonig, während AU POSTE ! ein echter Textfilm ist.

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    Da interessiere ich mich für das Banale. Es geht um Realismus, aber auch darum, meinen Figuren durch den Text Körper zu verleihen. Das Ändern eines Kommas oder das Hinzufügen dreier Linien konnte den ganzen Film umgestalten. In meinen amerikanischen Filmen gab es viel weniger Nuancen. Wenn ein Schauspieler einmal nicht das liefern konnte, was ich mir wünschte, war es sehr schwierig, etwas schnell umzuschreiben. AU POSTE ! wurde fortwährend umgeschrieben. Drei Worte mehr oder weniger konnten eine ganze Szene verändern. Ich wollte, dass die Figuren inkarnierter, menschlicher, realer, mit echten Charakterzügen ausgestattet sind. Ich glaube, dass ich in eine neue Periode meines filmischen Schaffens eingetreten bin. Ich beobachte, wie sie Gestalt annimt.

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    Es ist wichtig, dieses Gefühl des Alltags zu bekommen, in den Momenten, in denen Fugains Frau neben ihm einschläft, oder wenn die Nachbarin die Tür öffnet, als er draußen so tut, als würde er rauchen, weil er allein ist.

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    Ja, ich glaube, dass das neu für mich ist und mit meiner Rückkehr nach Frankreich einhergeht. Ich will mich mit Gewalt dazu bringen, von Dingen zu erzählen, die ich kenne. Wir sind nicht mehr ausschließlich in der Fantasiewelt, in der ein Toter drei Szenen später wiederkommen kann. Sobald ich anfange mich im Kreis zu drehen, ganz natürlich und ohne es zu merken, will ich wieder neue Elemente einbringen. Ansonsten langweilt es mich. Lange Zeit hatte ich Spaß daran, jedem neuen Film ein zusätzliches Element der kinematographischen Grammatik hinzuzufügen. Heute habe ich einfach noch ein neues Element eingebracht: Die Persönlichkeit.

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    Das ist auch Ihr erster Nachtfilm.

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    Lange Zeit fühlte ich mich im Freien wohl, mit dem großen blauen Himmel Kaliforniens und dem Licht, von dem ich außerordentlich fasziniert war. Ich wollte etwas anders machen. Und es war eine große Freude, alles neu zu denken.

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    Sie verstehen dieses Gefühl der Nacht. Es ist eine Nacht, in der die Bars noch geöffnet, aber quasi leer sind, Polizeistationen, wo die Nacht alles im richtigen Moment einzufrieren scheint. Da ihr Kino gleichermaßen mit Tagträumen verbunden ist, erscheint es fast logisch, dass Sie sich nun auch der Nacht zuwenden.

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    Ja, es ist noch etwas Traumhaftes übrig, das bleibt bestehen. Aber das Ziel ist es auch, in meinen Traumwelten etwas weniger allein zu sein. Indem wir mehr an den Charakteren arbeiten, indem wir etwas erzählen, das etwas geerdeter ist, denke ich, dass wir die Menschen ein wenig stärker involvieren können. Wenn man von der Annahme ausgeht, dass ein Reifen sich selbstbestimmt fortbewegt wie in RUBBER, ist das Verrückte bereits getan. Dann kann man nur noch die Idee weiterentwickeln. Benoîts rauchende Lunge ist ein Gag, der in die Realität selbst integriert ist, nicht in etwas völlig Verrücktes.

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    Sie schaffen es, Schauspielern, die wir schon in vielen anderen Filmen gesehen haben, neue Figuren zu entlocken. Wir haben Anaïs Demoustier noch nie so gesehen, nicht nur auf ihre Frisur, sondern natürlich auch auf ihr Spiel bezogen.

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    Diese Dinge ergeben sich zumeist durch das Drehbuch. Es enthält immer etwas, das es dem Schauspieler erlaubt, sich in eine andere Welt zu projizieren. Das ist das, was sie bei mir suchen, glaube ich und so nehme ich sie auch auf. Anaïs hatte ich zuvor in einem Film von Emmanuel Mouret, CAPRICE, gesehen und hervorragend gefunden. Zu Beginn projizierte ich etwas sehr Realistisches in sie, aber nach einer Besprechung mit ihr in einem Café sagte ich ihr, sie sei wie Zézette in LE PÈRE NOËL EST UNE ORDURE, die sich ein wenig inkonsistent präsentiert: Sie öffnet die Tür, sie sagt etwas Närrisches und schließt sie wieder.

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    Es gibt nie Spott oder Verachtung auf Kosten der Charaktere. Sie schaffen es, ihre ihnen eigene Poetik zu finden.

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    Ich denke, das hängt damit zusammen, dass ich ein Verlangen nach Kino habe. Ich denke, dass ein Film einen dazu bringen sollte, ein wenig zu träumen, ästhetisch, emotional. Hier lässt die Szenerie dich träumen. Diese Nacht lässt dich träumen und die Charaktere müssen dich auch zum träumen bringen. Benoît, mit seinem alten Holster tut das für mich, aber auf eine sanfte Weise, ohne zu demonstrativ zu sein.

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    Der Schnurrbart oder dieser Haarschnitt ist auch für die Schauspieler ein echtes Spielvergnügen.

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    Absolut. Es ist keine Verkleidung, es ist der Wunsch, etwas Einzigartiges zu schaffen. Ich möchte, dass diese Charaktere im wirklichen Leben existieren. Und genauso ist es für Sets oder Ästhetik, allgemein. Hier zählt alles, die Möbel, das Bühnenbild, die Schauspieler, wohingegen die Komödie oft nur ein Ort ist, an dem die Leute lachen, aber immer weniger, um wirklich Kino zu machen. In einem Film wie Sidney Pollacks TOOTSIE ist die künstlerische Leitung verrückt. Das ist es, was mich zum Fiebern bringt: Ich bin in einem Film!

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    Und dann ist da noch die Chemie zwischen den Darstellern.

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    Ja, es macht wirklich etwas aus, wenn alle glücklich sind, dabei zu sein. Man kann es sofort merken, wenn sie nicht glücklich sind, zusammen zu sein. Man versteckt das Elend mit Schneiden, Musik, aber am Ende haben wir das seltsame Gefühl, etwas unwahrhaftiges zu sehen, weil die Menschen sich nicht mochten. Als ich noch nicht wusste, ob es funktionieren würde zwischen Grégoire und Benoît, war ich ständig am Rande des Scheiterns, weil kein Trick oder Kniff das hätte reparieren oder kaschieren können. Sie sind zu oft zusammen. Aber alles lief hervorragend. Wenn die Schauspieler glücklich sind, zusammenzuarbeiten, überträgt sich dieses Gefühl auf den Zuschauer. Das ist umso wichtiger wenn man in einem Film eine längere Zeit am Stück mit zwei Schauspielern verbringt, noch dazu einem Film mit einer ziemlich seltsamen Formel: eine kurze Dauer für einen Spielfilm, aber ein eher langsames Tempo.

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    Machen Sie vor den Dreharbeiten lange Proben mit den Darstellern?

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    Nein. Wir haben am Samstag vor dem Dreh ein wenig im Set geprobt, damit die Schauspieler sich den Raum erschließen konnten. Die Note des Films haben wir dann am ersten Drehtag gefunden. Wir haben das alles zusammen erarbeitet. So fähige Schauspieler wie Grégroire und Benoît zu robotisieren und zu zwingen, jedes Komma zu respektieren, wäre ein Fehler.

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    Im Gegensatz zu Ihren anderen Filmen gibt es hier wenig Musik, jedenfalls ist sie dezenter. Am Ende gibt es dann noch dieses Orchesterstück, das fast ein wenig langweilig ist. Das ist das erste Mal, dass es fast keine Musik gibt, besonders keine elektronische.

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    Die Musik des Films entsteht in den Stimmen, in den Dialogen. Es wäre ein Hindernis gewesen, sie mit Musik zu hinterlegen. Die Idee für den Schluss-Song war, eine französische Musik à la François de Roubaix zu kreieren.

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    Außerdem hat man nicht den Eindruck, dass die Geräusche des Kommisariats sehr präsent sind. Sie erscheinen präsent und absent zugleich.

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    Wir hatten zunächst viele Türen die zuschlagen, Telefone die klingelten, die haben den Film aber gestört. Also haben wir Einiges weggelassen, anderes runtergeregelt. Dieses relative Schallvakuum, dass wir dadurch kreierten, machte Vielen Angst, aber ich blieb dabei. Alles musste gedämpft werden. Das Mindeste, was man tun kann, wenn man einen Film macht, in dem ein Paar Personen am gleichen Ort miteinander reden ist, es gemütlich zu machen. Wenn es beängstigend und hässlich, wenn das Licht grell ist, dann gleicht das einer Geiselnahme des Zuschauers.